La 54e édition du World Press Photo Contest, le concours le plus prestigieux de photojournalisme, vient de récompenser la sud-africaine Jodi Bieber pour son portrait choc d'une Afghane défigurée. Le nombre record de 108.059 photos avait été soumis au jury pour l'édition 2010. 

World_Press_small

Photo Jodi Bieber/TIME MAGAZINE

jodi_bieberOn le sait depuis deux semaines, c'est la photographe sud-africaine Jodi Bieber qui a remporté le World Press Photo Award 2010 pour ce portrait d'une jeune Afghane défigurée pour avoir quitté la maison de son époux. Elle recevra sa récompense lors d'une cérémonie qui aura lieu à Amsterdam le 7 mai prochain.

Publiée en première page de Time Magazine le 1er août 2010, la photo de Jodi Bieber, également première dans la catégorie "Portraits", montre l'Afghane Bibi Aisha, dont le nez et les oreilles ont été coupés par les talibans.

Bibi Aisha, 18 ans, a été défiguré en guise de représailles car elle avait fui la maison de son mari dans la province d'Uruzgan, au centre de l'Afghanistan. À l'âge de 12 ans, Aisha et sa jeune sœur avait été données à la famille d'un combattant taliban en vertu d'une coutume tribale pachtoune pour régler des différends. Lorsqu'elle a atteint la puberté, elle a été mariée avec lui, mais plus tard elle est retournée chez ses parents en se plaignant d'avoir été violentée par sa belle-famille. Une nuit les hommes sont venus la chercher, exigeant qu'elle se rende pour être punie. Aisha a été emmenée en montagne et on lui a coupé d'abord les oreilles, puis le nez. Dans la culture locale, on dit d'un homme qui a été humilié par sa femme qu'il a perdu son nez, c''est donc le traitement habituel. Aisha a été abandonnée sur place, mais elle a été secourue un peu plus tard et transportée dans un refuge à Kabou, un organisme d'aide pour les femmes afghanes où elle a pu être soignée et recevoir un soutien psychologique. Après quelque temps au refuge, elle a été emmenée aux Etats-Unis, où elle a été prise en charge et pu bénéficier de chirurgie de reconstruction.

Jodi Bieber a déjà remporté huit prix World Press Photo, et elle est la deuxième photographe sud-africaine à remporter la plus haute distinction du concours.

jodie_bieber_time
Le Président du jury, David Burnett, a déclaré: "Cela pourrait devenir une de ces images - et il y en a peut-être juste dix dans une vie - où si quelqu'un dit "vous savez, cette image d'une fille...", vous savez exactement de laquelle ils parlent." 

Pour la jurée Ruth Eichhorn, "C'est une image incroyablement forte. Elle envoie un message extrêmement puissant au monde: environ 50% de la population sont des femmes, et beaucoup vivent encore dans des conditions de misère et de violence. Cette photo est forte parce que la jeune femme a l'air très digne, c'est une icône". 

Le juré Vince Aletti a quant à lui déclaré: "C'est une image fantastique, une image différente, une image effrayante. Elle dépasse le cas particulier de cette femme pour parler de la situation de toutes les femmes dans le monde."

Voici enfin le commentaire du juré Aidan Sullivan: "Une partie de ce que fait le concours World Press Photo est de présenter des photos à un large public, un public qui va se demander "pourquoi?" Et cette photo amène les gens à se demander: "Mais mon Dieu...?", "Qu'est-ce qui se passe...?", "Qu'est-ce qui est arrivé...?" Pour moi, c'était l'image qui posait les questions les plus importantes." 

Une exposition itinérante permettra de voir les photos récompensées en 2011.

Voici quelques dates (voir le calendrier complet ici):

  • du 1er au 21 juin à la Galerie Azzedine Alaïa, 18 rue de la Verrerie à Paris.
  • du 28 août au 11 septembre au Couvent des Minimes, à Perpignan (Visa pour l'Image).
  • du 10 au 29 novembre au Royal Festival Hall (Southbank Centre), Belvedere Road, à Londres.

Toutes les infos sur le site worldpressphoto.org

Et le site de la photographe:jodibieber.com

Commenter cet article
M
Oui la photo interpelle, mais je trouve que c'est important de savoir ce qu'il y a derrière. Je suis un peu deg que l'expo ne passe pas par Bristol, mais j'espère lire ton compte-rendu d'ici quelques mois ;o) Bisous Laura!
Répondre
L
La photo parle d'elle même... Il me tarde de voir l'exposition dans son ensemble lors de son passage à Paris, merci pour ces précieuses informations dont je prends bonne note !
Répondre
M
Ca c'est sûr!
Répondre
M
Oui, je suis d'accord avec toi. Ces images sont dures mais nécessaires.
Répondre
M
Rien à ajouter, sinon que je suis contente de t'avoir fait connaître l'histoire derrière cette photo. En effet le regard de cette jeune femme fait partie de ceux que l'on n'oublie pas...
Répondre
L
Une récompense méritée!
Répondre
A
C'est une photo magnifique. Au delà de sa beauté technique (déformation professionnelle que veux-tu) elle porte un puissant message. nous sommes au 21° siècle et pourtant ces actes existent encore. Elle restera célèbre au même titre que la photo de la jeune fille du National Géographic ou que la petite fille qui court nue, le corps brûlé au Vietnam. Ces images témoignent et marquent pour nous montrer que la folie humaine n'a vraiment pas de limite.
Répondre
B
C'est en effet une photo très forte, qui ne peut laisser indifférent. Plus que sa defiguration c'est son regard qui m'interpèle. On sent chez cette jeune femme une incroyable force et du courage. J'avais vu la photo mais ne connaissait pas son histoire, quelle horreur elle a vécu <br /> Il y a une photo comme ça qui je crois me poursuivra toute ma vie tant elle m'avait choquée, émue et fait me poser des milliards de questions. C'est la photo d'une petite fille coincée dans les décombre et la boue après un tremblement de terre (je ne me souviens plus où). Son regard et sa detresse me reviennent très souvent en mémoire.
Répondre